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de croire trop vite… mais elle avait si bien l’air de la fille d’une grande maison !… et comment penser que des gens comme cela auraient voulu me tromper ? Si vous savez quelque chose qui puisse m’aider à réparer ma faute, je vous en prie, je vous en prie, dites-le moi !

La comtesse avait baissé les yeux ; elle répondit froidement :

— Je ne sais rien, bonne dame ; quand Valentine vint à la maison, voici deux ans, on me dit qu’elle était ma cousine et je l’aimai comme une sœur. Remy d’Arx était pour moi un ami, presque un frère ; il y a une énigme au fond du deuil que nous portons, je n’en ai pas le mot. Il y a une énigme aussi, une énigme inexplicable dans la position de ce jeune homme auquel tous nos amis semblent s’intéresser, malgré son crime.

— Oh ! s’écria la dompteuse, celui-là est innocent, je vous le jure devant Dieu.

— C’est ainsi que parla Valentine, dit la comtesse d’un air pensif, le jour même où on arrêta Maurice Pagès, tout sanglant encore, à quelques pas de la maison où le meurtre avait été commis. Je ne suis pas juge, madame, et, depuis mon enfance, je vis au milieu de mystères encore plus insondables que celui-là.

— Au nom du ciel ! commença la veuve, qui la regardait avidement, dites-moi…

Francesca Corona secoua sa tête charmante avec lenteur.

— Ne m’interrogez pas, répliqua-t-elle, ce serait inutile. Je n’ai rien compris, je n’ai rien deviné, sinon mon propre malheur, qui m’accable et dont je ne dois compte à personne. Si ce jeune homme est innocent, que Dieu le sauve ; puisqu’ils