Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ra Valentine, qui n’avait pas quitté un seul instant son attitude de dormeuse : toutes ces choses, il faut que vous les sachiez. J’ouvris les yeux, et comme le marchef me demanda en fronçant le sourcil : « Avez-vous entendu ? » je lui répondis : « Oui, » et j’ajoutai : « J’ai fait plus que vous entendre, j’ai deviné. »

Nos regards se croisèrent. Ni lui ni moi nous ne baissâmes les yeux.

— Ah ! ah ! fit-il, et à quoi ça vous servira-t-il de m’avoir deviné ?

— Je ne sais, répondis-je, mais j’ai deviné aussi que vous aviez pitié de moi.

Il secoua sa tête farouche et fit un mouvement comme pour s’éloigner.

Cependant il resta.

Et après un instant de silence il gronda entre ses dents serrées :

— Il y avait une femme dans tout cela, une femme qui voulait une robe neuve, un châle, des plumes et des fleurs. Elle m’avait dit le matin : « Si tu ne m’apportes pas cinquante louis, je te chasse ! »

Il me regarda, frémissante que j’étais, et un sourire terrible vint à ses lèvres.

— Je lui apportai les mille francs, ajouta-t-il tout bas ; mais c’est moi qui l’ai chassée.

Ah ! reprit-il en s’interrompant, ma vie ne vaut pas cher ! Je sais bien que je mourrai par une femme. Autant par vous que par une autre ! j’ai fantaisie de vous entendre dire : « Merci, Marchef ! » C’est drôle. Demandez, on vous répondra.

Je demandai, il me répondit.

Quand on vint me chercher pour me porter dans mon lit… tenez-vous ferme, Léo !… je savais que cette maison appartenait aux Habits-Noirs.