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d’hésiter entre deux noms : il était en effet dans la position d’un comédien qu’on surprendrait à l’heure de la métamorphose quand il quitte un travestissement pour en revêtir un autre.

L’homme gardait le costume que M. Constant portait tout à l’heure ; mais il avait déjà le visage et les cheveux de ce Protée bourgeois que nous vîmes un soir changer de peau dans le coupé conduit par Giovan-Battista, ce coupé où Toulonnais-l’Amitié était entré avec sa houppelande à larges manches et ses bottes fourrées, mais d’où sortit un élégant cavalier en escarpins vernis, en habit noir et en gants blancs, qui se fit annoncer à l’hôtel d’Ornans sous le nom du baron de la Périère.

De l’endroit où il était, notre homme voyait parfaitement le groupe formé par la dompteuse et Valentine, auprès du foyer ; seulement il ne pouvait plus rien entendre.

Il se disait, dans sa mauvaise humeur :

— Le vieux baisse ! il baisse à faire pitié ! le plaisir qu’il éprouve à tendre des toiles d’araignée devient une maladie, et nous nous réveillerons un matin avec le cou pris dans nos propres lacets. À quoi bon tout cela, puisque le lieutenant demandait du poison et que personne ne crie gare quand on trouve le corps d’une folle qui a profité du sommeil de ses gardiens pour se jeter tête première par la fenêtre ? J’ai encore obéi aujourd’hui, j’ai été chercher cette bonne femme dont la présence est un danger de plus, parce que désobéir, chez nous, c’est risquer sa vie ; mais ce soir, j’ai idée que tout sera fini, les autres sont du même avis que moi, le vieux a fait son temps, place aux jeunes !