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Mme la marquise d’Ornans se leva aussitôt et traversa la chambre, leste comme une jeune fille.

— Il y avait bien longtemps que tu ne m’avais appelée, chérie, fit-elle avec émotion.

Sa voix tremblait de plaisir. Elle ajouta en se tournant vers la veuve, dont elle serra les deux mains avec effusion :

— C’est à vous que je dois cela. Du fond du cœur je vous remercie.

— Comme elle est aimée ! murmura la comtesse Corona.

Le colonel lui prit la tête et la baisa au front.

Pendant qu’elle était en quelque sorte aveuglée par cette caresse, les quatre hommes qui restaient seuls autour du foyer échangèrent un étrange et rapide regard.

Les yeux du prince, ceux du docteur en droit, et ceux de Samuel exprimaient de l’inquiétude. Dans ceux du colonel, il y avait un froid dédain.

Valentine avait attiré la marquise jusqu’à son chevet. La veuve, qui s’était retirée un peu de côté et dont les yeux s’habituaient à l’obscurité relative produite par les draperies de l’alcôve, se mit à regarder la jeune fille.

C’était peut-être la fièvre, mais il y avait des couleurs aux joues de Valentine ; son regard brillait extraordinairement ; elle était si belle, que la pauvre Léocadie pensait :

— Il n’y a qu’elle pour lui comme il n’y a que lui pour elle, et ce n’est pas possible que Dieu ait le cœur de séparer ces deux amours-là !

— Je voudrais vous demander une chose,