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Elle ne s’attendait pas à cela, et toute son audace tomba devant la simplicité solennelle de cet accueil.

— Nous vous remercions d’être venue, madame, lui dit la marquise. Quand je vous vis autrefois, nous étions tous bien joyeux, et je croyais emporter de chez vous le bonheur de ma maison. Il en a été ainsi pendant près de deux années ; la chère enfant que nous vous devons nous a donné bien des jours de consolation et de joie ; mais à présent, le malheur a frappé à notre porte, un malheur horrible dont vous avez entendu parler sans doute, et nous n’avons plus d’espoir qu’en vous.

— Tout ce que je pourrai faire… balbutia la dompteuse en essayant une maladroite révérence.

Tout le monde répondit aussitôt à son salut, ce qui mit le comble au malaise qu’elle éprouvait.

— Constant, dit le colonel, approchez un fauteuil à Mme Samayoux, car je suis obligé de m’asseoir. Mes pauvres jambes sont bien faibles.

M. Constant, qui avait ici presque l’air d’un domestique, se hâta d’obéir, pendant que la comtesse Corona aidait son aïeul à reprendre position dans sa bergère.

— Nous vous attendions avec grande impatience, poursuivit la marquise ; la pauvre chère enfant prononce bien souvent votre nom, et c’est le seul… avec un autre…

Elle s’arrêta ; ses yeux étaient mouillés.

La veuve sentit que ses paupières la brillaient, car elle était profondément attendrie, et ses soupçons, si jamais elle avait éprouvé rien qu’on puisse appeler soupçon, s’évanouissaient comme des rêves.

— On dirait, acheva la marquise en es-