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une réaction contre l’insolence de Mlle Victoire.

En traversant l’antichambre, elle achevait de s’aguerrir et se représentait toutes ces vieilles et nobles têtes, rangées en demi-cercle autour du lit de Valentine, immobile et raide entre ses draps, comme une princesse des salons de cire.

— Je ne baisserai pas les yeux devant eux, pensait-elle, je ne leur dois rien, pas vrai ? et il y en a au moins deux que je connais pour les avoir vus à la baraque. J’irai tout droit à la chérie et je l’embrasserai en disant : « La voilà, maman Léo, elle est là pour un coup, et ceux qui voudraient te faire du chagrin trouveront désormais à qui causer ! »

Comme elle arrivait à la porte, M. Constant la dépassa vivement, ouvrit et dit à voix basse :

— Madame veuve Samayoux !

Puis il s’effaça, et la dompteuse se trouva sur le seuil, non point en face d’un orgueilleux cénacle, composé de gens assis et fixant sur elle des regards hautains, mais bien vis-à-vis d’une vieille dame en cheveux blancs, à l’air doux et triste, qui avait fait plusieurs pas à sa rencontre.

Derrière cette bonne dame, les autres membres de la famille étaient debout, dans l’attitude qu’on garde quand on vient de se lever pour faire honneur à un nouvel arrivant.

Personne n’était resté assis, pas même le colonel Bozzo, que la veuve reconnut, blême et presque tremblant, appuyé sur l’épaule de la comtesse Corona, pas même le prince, que la veuve devina du premier coup d’œil et à qui son imagination prêta tout de suite un aspect auguste.