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taire : ça me désennuie de mes souvenirs et de mes regrets. Quoi ! vous ne pouvez pas dire que ces deux enfants-là, Maurice et Fleurette, se sont bien conduits à mon égard ?

— Fixe ! répliqua Gondrequin, les yeux à quinze pas devant soi, qui signifie immobile ! Je n’ai pas été officier, mais j’en ai la bonne humeur guerrière. Pour l’ingratitude, elle est dans la nature, et quand je vous vis à l’occasion de votre dernier tableau, que le blanc-bec était alors chez vous pour le trapèze et la perche, vous soupiriez déjà gros au vis-à-vis de lui dans une voie qui ressemblait à Mme Putiphar. Ra, fla !

— C’est le fruit de la calomnie, répondit Mme Samayoux en levant les yeux au ciel ; je ne dis pas que mon âme a été incapable d’un rêve, mais Maurice n’y a jamais obtempéré, et je suis restée pure avec lui comme la fleur d’orange… Et quand je pense que voilà plus d’un mois sans avoir entendu parler de lui ni de Fleurette ! L’adresse qu’il m’avait donnée m’a sorti de la tête, et la petite, qui est une demoiselle comme vous savez, m’avait bien défendu d’aller la demander chez sa marquise ou duchesse ; en sorte que tout ce que j’ai pu faire ç’a été d’écrire, mais on ne m’a pas répondu. S’est-il passé quelque chose pendant que j’étais à la fête des Loges ? je n’ai entendu parler de rien, et depuis mon retour, ma grande affaire avec la ville me casse la tête… Ah ! on a bien tort de s’attacher !

— Pas accéléré, interrompit Gondrequin, marche ! attaquons le tableau de front et sur les deux flancs pour vous tirer de vos idées noires. Nous disons donc qu’il