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Lodin fut d’avis de me garder : c’est un grand porte-malheur que de repousser les innocens que Dieu envoie.

Le peu que je sais de ma mère me vient de Gustave et de sa sœur. Je ne sais rien de mon père, sinon que la clameur publique accusa un instant l’homme de loi de Saint-Lud, rustre entre deux âges, d’une vigueur extraordinaire et d’un aspect repoussant.

J’emploie ce mot accuser, parce que ma naissance fut le fruit d’un crime. Ma mère était une pauvre fille errante, privée de raison. Le jour où mon berceau fut déposé à la porte du bonhomme Lodin, on trouva le corps de ma mère dans le Rioux : elle s’était noyée à un endroit guéable où le ruisseau n’avait pas quatre pieds de profondeur.

Les enfans du village de Saint-Lud, quand Gustave n’était pas là, m’appelaient la fille de la diote.

Et chaque fois que la Noué me battait, elle me disait :

— Tu seras diote comme ta mère !

L’homme de loi de Saint-Lud, M. Ducros, fêla deux ou trois têtes dans la commune, et nul n’osa plus l’accuser d’avoir abusé de la pauvre diote.

Du plus loin que je me souvienne, je vois cet homme avec sa grosse figure rouge et ses