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LE VAL-AUX-FÉES.

si je prétendais lui ôter cette occasion de gagner de l’honneur.

— Hélas ! pensa Addel, qui s’était pris enfin à écouter : hier, ce matin encore, il en était ainsi… Pourquoi l’ai-je vue, mon Dieu ! Pourquoi !…

— C’est au mieux, reprit Lucifer, et la question change. Je n’offre plus que dix mille écus, mais je vous laisse vos domaines.

— À la bonne heure !

— À condition que vous scellerez du pommeau de votre vaillante épée un parchemin que je vais remplir à l’instant.

— Et que dira ton parchemin ? demanda Gérard avec défiance.

— Il dira que si messire Gérard Lesnemellec, seigneur de Lern et du Val, ou, à son défaut, l’héritier dudit seigneur, ne se présente pas dans le délai de cinq ans et cinq jours pour payer à maître Pointel dix mille écus d’or, ledit Pointel deviendra, de fait et de droit, seigneur et maître du château de Lern, du Val-aux-Fées et autres domaines dudit Gérard Lesnemellec.

Malgagnes, qui avait fait, pour suivre et comprendre cette longue phrase, des efforts désespérés, secoua la tête et dit d’un air profondément convaincu :

— Mon avis est qu’il vaudrait mieux jeter le mécréant à la rivière.

Martin Mortemer de Mauron fit un geste non équivoque d’adhésion.

— Consultez-vous, mon voisin et ami, dit Lohéac à Gérard. C’est vous seul que cela regarde.

Lesnemellec réfléchit un instant.

— À la garde de Dieu ! s’écria-t-il tout à coup au bout de