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LE MÉDECIN BLEU.

Mais ce sommeil lourd, fiévreux, plein de tressaillements soudains et de rêves pénibles, n’était point de ceux qui reposent. Sainte voyait passer devant ses yeux des images terribles et grotesques à la fois. Le pesant cauchemar oppressait sa poitrine. Des voix lugubres criaient des plaintes à son oreille, et, sous ses pieds, grouillait une eau impure où il y avait du sang. — Puis son rêve prit un enchaînement logique et affecta les allures de la réalité. Alors, ce fut horrible.

Sainte se voyait sur la lande, non loin de ce sauvage amphithéâtre que nos lecteurs connaissent déjà sous le nom de Trou-aux-Biches. Elle entendait çà et là des coups de feu derrière les ajoncs, mais elle n’apercevait rien.

Tout à coup, au détour de l’un des mille sentiers qui marbrent la lande, elle vit deux hommes arrêtés face à face.

L’un était un jeune homme, l’autre un vieillard.

— Vive la république ! dit le vieillard.

— Dieu et le roi ! répondit le jeune homme.

Deux sabres furent dégainés, et un combat furieux s’engagea.

Le jeune homme était René Saulnier ; le vieillard était le médecin bleu.

— Mon père ! mon frère ! voulait crier Sainte. —

Mais le cauchemar collait sa langue à son palais ; elle ne pouvait produire aucun son.

Et le hideux combat se poursuivait toujours.

Sainte fit des efforts inouïs pour se précipiter entre eux. Mais le cauchemar paralysait ses jambes, et ses pieds étaient devenus de plomb…