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LE MÉDECIN BLEU.

poignée, bizarrement historiée, annonçait une origine musulmane : auprès d’un tromblon de cuivre, à la gueule évasée comme le pavillon d’un cor de chasse, se dressait la longue et fluette canardière du chasseur des marais ; puis venait un luxueux fusil à deux coups, arme de gentilhomme, qui avait mis à mort sans doute plus d’un vieux loup, plus d’un fort sanglier ; puis encore un mousquet massif, un canon blanc et lisse, trophée conquis sur un pauvre milicien de la république. Au bout de ce magasin, sur un affût à pivot, une petite pièce de deux livres de balle était soigneusement recouverte de son étui de serge. Ce petit canon ne sortait jamais du souterrain : c’était l’artillerie de défense.

Sainte ne vit tout cela, comme on le pense, que fort imparfaitement. L’aspect de tous ces hommes à figures farouches et déterminées l’effrayait ; elle osait à peine lever les yeux et avait rabattu son voile sur son visage.

— Bedeau, mon ami, dit un officier supérieur en costume, dans lequel Sainte reconnut M. de Vauduy ; nous avions presque fait le sacrifice de ta précieuse personne… D’où viens-tu ? et qui nous amènes-tu là ?

— C’est trop de questions, répondit Jean Brand, et je n’ai pas le temps d’y répondre… Où est mademoiselle ?

— Dans son boudoir, répliqua M. de Vauduy en ricanant.

Jean Brand traversa la foule, écartant, à l’aide de ses coudes vigoureux, ceux que la curiosité portait à s’approcher de trop près de Sainte.

Arrivé au bout de la caverne, il poussa une porte et entra dans une petite cellule voûtée, où Marie de Rieux était seule.

— Ah ! ah ! fit Marie en prenant un air de souveraine qui ne lui allait point trop mal ; notre fidèle père nourricier !…