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LE PETIT GARS.

— Mais je ne puis, s’écria Henriette navrée ; écoutez ! on brise les portes, on force le château…

Un coup de fusil, tiré du dehors, l’interrompit, et les débris d’un vitrail de la galerie tombèrent aux pieds de M. de Graives.

Jusqu’alors ce dernier n’avait rien entendu, ni les paroles de sa nièce, ni le fracas extérieur ; mais l’explosion le fit tressaillir. Il comprit, et son visage devint sombre.

— Peut-être vaudrait-il mieux pour vous, dit-il d’une voix étouffée, braver la barbarie de ces hommes que de venir là où je vais, madame. Mais je ne vous repousse plus. Des deux côtés, le péril est certain, fatalement inévitable… Voulez-vous rester ou venir ?

— Avec vous ! avec vous ! murmura la pauvre mère affolée en s’attachant aux vêtements du marquis.

Le vieillard, sans répondre, reprit sa marche. Au bout du corridor, il fit jouer un ressort caché dans le mur ; une porte massive tourna sur ses gonds, et laissa voir un étroit couloir où l’on ne pouvait s’engager que de profil.

— Mes ancêtres, dit-il en se parlant à lui-même, se firent huguenots au seizième siècle. Ce fut une faute griève, — que Dieu puisse leur pardonner en sa miséricorde !… On les traquait alors, comme on nous poursuit maintenant ; les retraites qu’ils se ménagèrent contre les catholiques vont servir à un catholique contre les fils de leur damnable doctrine.

— Entrez, madame, s’il vous plaît.

Le couloir se terminait par une seconde porte semblable à la première, qui s’ouvrait sur un escalier en pierre. Lorsque M. de Graives fit jouer le ressort caché de cette seconde porte, une bouffée d’air humide s’élança au dehors et faillit éteindre la lampe.