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LE MÉDECIN BLEU.

votre idée qu’on vous appelle comme ça, j’ai envie de vous donner un conseil.

— Je vous tiens quitte, répondit le médecin bleu avec dédain.

Jean Brand cligna de l’œil et roula son bonnet entre ses doigts.

— M’est avis, reprit-il, que vous avez marché sur une mauvaise herbe, not’ maître.

— Je ne suis pas ton maître ; si je l’étais, mon premier soin serait de te dire : Va-t’en !

— Vous auriez tort, mon bon monsieur ; moi, tout au contraire, je vous dis : Restez !

— Que veut dire ce misérable ? s’écria le docteur en s’adressant à M. de Vauduy.

Mais celui-ci ne répondit que par un geste équivoque, qui pouvait se traduire ainsi :

— Je n’ai pas le droit de lui imposer silence.

— Cela veut dire, reprit Jean Brand en se redressant tout à coup, que vous parlez à un capitaine au service de Sa Majesté le roi de France et de Navarre ; cela veut dire que vous n’êtes pas mon maître, en effet, parce que je suis le vôtre : cela veut dire enfin que vous avez joué trop longtemps le rôle d’espion de la république dans ce pays et que vos exploits en ce genre touchent à leur terme… Vous êtes mon prisonnier.

À cette époque de troubles, chacun portait sur soi des armes. Saulnier, qui était un homme de cœur, voulut résister et mit la main sur ses pistolets ; mais Jean Brand, le prévenant, appuya un des siens contre sa poitrine.

— Pas de sang ! s’écria l’homme au manteau, qui se précipita entre eux et les sépara. Monsieur Brand, pourquoi