Le citoyen Saulnier avait toujours conservé envers M. de Vauduy les rapports d’amitié qui les liaient autrefois ; il pouvait entrer à toute heure au château, et nulle querelle n’avait jamais eu lieu entre lui et l’ancien intendant de Rieux : mais un observateur eût facilement deviné que ces semblants de bonne intelligence recouvraient une froideur mutuelle.
En entrant, le docteur jeta un rapide regard autour de la salle.
— Vous n’êtes pas seul, citoyen, dit-il, je vous dérange ?
Puis il ajouta mentalement en regardant le ci-devant bedeau :
— Toujours cet homme !
— Bien le bonjour, monsieur le docteur, murmura Jean Brand d’un ton bourru. — Et il se mit à l’écart.
— Loin de me déranger, mon cher docteur, dit M. de Vauduy, votre venue me fait grand plaisir. Je comptais me rendre chez vous ce matin.
— Ah ! fit Saulnier.
— Oui… J’avais un service à réclamer de vous.
— Je suis à vos ordres… Moi-même, j’avais également un service à vous demander.
— Cela se trouve à merveille ! s’écria M. de Vauduy.
— À merveille, en effet ! répéta Saulnier. Puis-je savoir ?…
— C’est une chose bien simple… Jean Brand, que voilà, est obligé de s’absenter ; moi-même, je suis sur le point d’entreprendre un voyage qui sera fort long peut-être…
— Ah ! fit encore Saulnier, dont un sarcastique sourire releva la lèvre.
— Et je voulais vous prier, continua M. de Vauduy, de prendre chez vous pendant notre absence…