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LE MÉDECIN BLEU.

lutte et des malheurs qui nécessairement en devaient être la suite.

Comme elle tournait un angle de la route, le galop d’un cheval vint frapper ses oreilles. Elle s’arrêta craintive ; son père avait déjà disparu derrière les grands arbres de la forêt. Le bruit cependant approchait rapidement. Bientôt, Sainte aperçut un cheval lancé à toute bride, et qui venait vers elle. Sur le cheval était une jeune fille à peine sortie de l’enfance qui, vêtue en amazone, poussait sa monture avec une sorte de frénésie. Sainte reconnut Marie Brand.

La fille du ci-devant bedeau passa près de son ancienne amie sans s’arrêter. Elle fit de la main un geste de reconnaissance plutôt hautain qu’amical, et un fier sourire vint errer sur sa lèvre. Puis, elle toucha de sa cravache la croupe fumante de son beau cheval, qui bondit en avant, et franchit en deux sauts l’espace qui le séparait de la route.

Sainte répondit au froid salut de Marie par le cordial : Bonjour ! du village. Elle ne l’avait jamais vue ainsi parée des atours qui conviennent à une demoiselle des villes. Elle la trouva belle, et se sentit venir au front une subite rougeur. Peut-être était-ce le plaisir de voir une compagne aimée ; peut-être aussi était-ce un vague et fugitif désir de parures : pour être simple, généreuse et bonne, Sainte n’en était pas moins une jeune fille, et quelle jeune fille ne se sent point parfois tourmentée par la naïve coquetterie du premier âge ?

Quand Marie fut passée, elle la suivit du regard, et remarqua le fusil double qu’un cordon de soie retenait à l’épaule de la jeune amazone ; elle remarqua aussi que sa toque de velours était surmontée d’une cocarde blanche.

— Où va-t-elle ainsi ? se demanda Sainte.