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JOUVENTE DE LA TOUR.

point refuser. Le malheur abat la fierté ! Robert de Coëtquen, tout fils de baron qu’il était, obéit au geste du vieillard et se retira en silence à quelques pas.

— Mon fils, dit Rostan du Bosc à Jouvente, je te connais pour honnête, vaillant et craignant Dieu ; si tu veux, tu seras l’époux de ma fille.

Jouvente devint pâle et ne répondit point. La joie frappe aussi rudement parfois que la douleur. Jouvente étouffait ; ses jambes fléchissaient sous le poids de son corps.

— Refuserais-tu ? demanda tristement le vieillard qui se méprenait à ce silence.

Deux larmes jaillirent des yeux de Jouvente et sillonnèrent lentement sa joue pâlie. Ne pouvant parler, il prit la main du vieux Rostan qu’il pressa contre sa poitrine. Celui-ci comprit et fut heureux.

— Mon Dieu !… mon Dieu ! dit enfin Jouvente, j’ai bien prié, mais je n’espérais pas tant de joie. Merci, mon père ! Je l’aime ; elle est la pensée de mes jours et le rêve de mes nuits…

Et Jouvente couvrait de baisers les mains du vieux Rostan, lequel souriait au ressouvenir de ses jeunes années et répétait doucement ;

— Tant mieux ! mon fils, tant mieux ! Nielle sera une heureuse femme et n’aura plus besoin de moi.

Ce soir-là, Jouvente regarda gaiement la lumière de Nielle briller à travers les branches des châtaigniers. Il lui envoya de loin des millions de baisers, et, quand elle s’éteignit, Jouvente se prit à sourire en murmurant : — À bientôt !

Quant à Robert de Coëtquen, le pauvre étranger, il passa la nuit au manoir de Rostan du Bosc. On doit croire que l’hospitalité du vieillard lui plut outre mesure, car il resta le