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LES CONTES DE NOS PÈRES.

— La fille de feu ma bonne et estimée cousine est toujours la bienvenue au château de Graives, interrompit-il ; néanmoins, ma nièce, je ne puis dire que je sois aise de vous voir. Nous vivons dans un temps malheureux et plein de périls, et ma maison, entre toutes, est une retraite dangereuse… Asseyez-vous, madame ma nièce… du moins y trouverez-vous, durant tout le temps qu’il vous plaira d’y demeurer, une hospitalité franche et empressée.

— Je partirai demain, dit Henriette, glacée par ce froid accueil. En attendant, afin de ne vous point troubler, permettez que je me retire.

Le marquis, en guise de réponse, lui baisa la main et s’inclina.

Au moment où Henriette se dirigeait vers la porte, des coups violents et précipités retentirent au dehors. Bernard tressaillit, et M. de Graives, qui n’avait pas entendu, devina.

— Pierre-Paul ! dit Bernard.

— Va !… mais va donc vite ! cria le marquis avec une vivacité inquiète. Pardon, madame ma nièce, ajouta-t-il, en réprimant tout signe extérieur d’émotion.

Henriette demeurait immobile et ne songeait plus à sortir. Un instinct secret, instinct de mère, l’avertissait qu’un événement important allait avoir lieu.

M. de Graives s’était rassis, calme, grave, impassible comme devant. La porte s’ouvrit violemment, et un homme, trempé de sueur, de pluie et de boue, s’élança dans le salon. C’était Pierre-Paul.

— Ils viennent ! s’écria-t-il en entrant.

— Ils viennent ? répéta froidement le marquis.

— De Redon et de Vannes à la fois.