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LES CONTES DE NOS PÈRES.

tenaient état de prince, et passaient, avec Rieux et Rohan, pour les plus hauts seigneurs de la province de Bretagne. César faisait comme ses aïeux ; il était aimant, dévoué, fidèle.

Il eût été réellement fort difficile de trouver un plus beau chien que César, — car César était un chien. Sans cette circonstance, nous prenons sur nous d’affirmer que ses éminentes qualités l’auraient fait connaître dès longtemps au monde, et qu’il n’aurait point eu besoin de nous pour écrire tardivement sa biographie. Son portrait en pied, qui orne le salon à manger du château de Kerhoat, atteste qu’il était de haute stature, portait fièrement sa tête carrée, et ramassait comme il faut son torse robuste pour résister prudemment ou bondir à l’attaque avec une héroïque intrépidité. Son poil était blanc, tigré de marques châtain foncé. Bien que son museau fût court comme celui d’un dogue, il avait de belles et longues oreilles ; les soies de ses reins, molles et légèrement bouclées, donnaient une apparence de richesse à sa fourrure. En somme, il y avait en lui du chien-loup, du dogue et de l’épagneul. Nous ne sommes point assez spécialement versés dans la physiologie canine, pour dire au juste de quel croisement de races ce noble et fort animal pouvait être le produit.

En l’automne de l’année 1793, César avait trois ans. Son cou tigré ne portait point le lourd collier de cuir, hérissé de pointes de fer. Un simple anneau de cuivre, luisant comme de l’or fin, et poinçonné aux armes de Bazouge, se cachait à demi sous ses longs poils soyeux. À cet anneau pendait une petite plaque où se voyait un chiffre délicatement gravé et formé des initiales H. B. Cette plaque indiquait que César appartenait à Mlle Henriette de Bazouge.