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LES CONTES DE NOS PÈRES.

Un soir qu’elle revenait tristement au petit manoir que son père avait fait élever pour elle au milieu du Val, elle entendit un bruit dans le taillis, La nuit tombait ; il n’y avait point de lune au ciel. Rachel, sans faire trêve à sa rêverie, porta son regard distrait vers l’endroit d’où était parti le bruit. Elle vit un spectacle étrange.

À travers les branches confusément enchevêtrées du taillis, elle aperçut une étroite clairière, au centre de laquelle trois êtres de forme humaine étaient couchés. Ces créatures avaient tout au plus un pied de hauteur. Elles se trouvaient éclairées par une demi-douzaine de vers luisants artistement disposés en girandoles.

Rachel voulut s’enfuir, car ces créatures, à part même leur taille exceptionnelle, étaient fort laides à voir ; mais la terreur la clouait au sol. Elle avait reconnu d’un coup d’œil les trois fées du Val. Tandis qu’elle restait ainsi à la même place, son regard, par une sorte de fascination, ne pouvait quitter les trois terribles sœurs. Se rappelant involontairement les récits de ses serviteurs, Rachel reconnaissait, à ne s’y pouvoir méprendre, chacune des trois vieilles : c’était bien là le visage renfrogné de Reschine, le nez crochu de Mêto et les cheveux mêlés de Gulmitte.

C’était le ronflement des fées endormies que Rachel avait entendu.

À ce moment, Gulmitte se souleva sur son séant et se frotta les yeux en bâillant. Ses sœurs l’imitèrent, et l’entretien suivant s’engagea entre elles.

Gulmitte.

Sœurs, êtes-vous là ?

Reschine et Mêto.

Sœurs, êtes-vous là ?Nous y sommes.