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LES CONTES DE NOS PÈRES.

turel capricieux et acariâtre, lesquelles s’ingénient, du matin au soir, à trouver de méchants tours qu’elles mettent à exécution du soir au matin. Ces fées sont sœurs, ou pour le moins cousines. Elles se nomment Gulmitte, Reschine et Mêto. Au physique, elles ressemblent de tout point à trois vieilles femmes très-laides ; leur moral répond positivement à leur physique. Quant à leur pouvoir, il est celui de toutes les fées : elles savent planter des bosses hideuses sur le dos des enfants, rendre louches les yeux les plus droits, etc., etc. En outre, et ceci du moins est original, elles ont la faculté de se grandir ou de se rapetisser jusqu’à l’indéfini, sans pouvoir changer en rien leurs traits ni leur tournure. De sorte que, à volonté, Gulmitte, Reschine et Mêto deviennent d’affreuses vieilles d’une dimension colossale, ou des vieilles horribles d’une ténuité microscopique.

Joson me donna ces détails à demi-voix et d’un air fort peu rassuré.

Cette faculté d’extension propre à Gulmitte, Reschine et Mêto, faculté que le caoutchouc lui-même ne nous paraît point posséder à un degré aussi éminent, sert admirablement leur instinct taquin et mystificateur. Tantôt les trois fées, exhaussant leurs visages grossis sur leurs corps démesurément allongés, se guindaient jusqu’aux fenêtres de l’orfévre, et, faisant ombre à la lune, montraient de grimaçantes et gigantesques silhouettes. L’orfévre invoquait alors le Dieu d’Abraham et de Jacob, et d’une foule d’autres Hébreux célèbres ; mais, tandis qu’il récitait ses prières, Gulmitte, Reschine et Mêto, passant d’un extrême à l’autre, se rapetissaient tout d’un coup et entraient dans la chambre, avec la brise des nuits, par les fissures de quelque fenêtre. Elles se ruaient sur le lit du juif et le mordaient à belles dents, ce