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C’était dans une rue déserte du Paris méridional, avoisinant cette partie des murailles qui confinait à l’hôtel de la Marche : Jean le Blond, encore tout essoufflé, les cheveux baignés de sueur, était entre sa mère et le frère Tranquille.

Sa mère le pressait avec passion contre son cœur. — Jean le Blond souriait comme un enfant qui sort d’un rêve.

Le pauvre frère Tranquille, lui, allait le front baissé, les bras tombants et secouait la tête avec désolation.

La lueur rougeâtre d’un lumignon, brûlant aux pieds d’une Vierge dans sa petite niche grillée, se projetait sur ce groupe. Il y avait quelques minutes à peine qu’ils avaient quitté, tous les trois et non sans danger, les États du roi Salomon.

— Demain, à la tombée de la nuit, devant les murailles du Louvre… pensait tout haut Tranquille, — et c’est moi qui suis cause de tout cela ! Ils le cherchaient depuis quinze ans, ils ne le trouvaient pas ! moi, malheureux que je suis, je leur ai dit : Le voilà !

— Ma noble dame, s’écria-t-il, en fléchissant le genou au milieu de la rue, — Dieu m’est témoin que je ne suis pas un traître… Pardonnez-moi ! Pardonnez-moi !

La duchesse regardait son fils avec un orgueil enthousiaste.

— Relève-toi, dit-elle à Tranquille en lui tendant la main.

De son autre main elle caressait les cheveux humides de Jean le Blond qui lui souriait doucement.

— Tu as bien fait, bon ami, dit le jeune homme.

La duchesse Isabelle le serra encore une fois dans ses bras ; une larme trembla au nord de ses paupières. Elle répéta d’une voix émue, mais distincte :

— Ami, tu as bien fait !


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