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LES NUITS DE PARIS.

hommes portant le dard à double pointe barbelée, entouraient l’autel du dieu Cernunnos, qui a des cornes de bélier et qui rugit dans les nuits sombres aux abords du solstice d’été.

Ces Gaulois, pères de nos bourgeois de Paris, étaient-ils déjà des railleurs ?

La fête qui se célébrait devant l’autel de Cernunnos, le dieu cornu, était un hyménée.

Le prêtre attendait, tenant en main la fiole de marbre qui contenait la poudre de gui ; le fiancé était là, un bel enfant à la chevelure blonde bouclée ; et la fiancée, dont les cheveux se rattachaient en touffe à l’aide d’une guirlande de pervenches aux fleurs d’azur pâli, baissant les yeux, impatiente et timide.

Les six vierges frappaient à intervalles égaux la tige d’airain recourbée qu’elles tenaient à la main, et qui rendait un son vibrant. Les six jeunes guerriers brandissaient leurs dards.

Et tous disaient, cadençant bizarrement les trois syllabes du nom barbare :

— Cernunnos ! Cernunnos !

Comme le fiancé et la fiancée étaient pauvres, il n’y avait point de barde, muni de la harpe aux quatre cordes, point de barde pour improviser le chant d’hymen.

Les bardes ne chantaient guère que pour les chefs, capables de dorer les quatre cordes de la harpe. Le prêtre lui-même, malgré sa longue barbe blanche, n’était ni un eubage auguste, ni l’un de ces savants druides qui commandaient en maîtres aux éléments soumis. C’était un humble servant dont la faucille usée portait à peine la trace du mince filet d’argent qui l’avait entourée.

Cernunnos seul, le dieu orné de cornes, était le même pour les opulents et pour les indigents.

Ô mythes antiques ! ô vieille et moqueuse sagesse !

Quand les derniers rayons du soleil passèrent entre les trois men-hirs du temple triangulaire consacré à Jupiter-Taranis, qui