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LES NUITS DE PARIS.

La Seine roulait parmi les grandes herbes et les roseaux chevelus. — Quelques barques grossières étaient attachées à ses bords, et ses flots laiteux, où ne se miraient encore ni maisons ni palais, renvoyaient au ciel l’image brisée de la forêt vierge.

Cinq îles, jetées au beau milieu du fleuve entre le mont Cétard et le mont de Mercure (Montmartre), formaient le seul trait caractéristique et reconnaissable qu’ait gardé notre paysage actuel.

Les trois premières de ces îles offraient, en effet, par leur groupe, la figure moderne de la Cité, tandis que les deux autres n’ont pas même subi, depuis dix-neuf siècles, le plus léger changement de forme.

La plus grande de ces îles, sous le nom de Lutèce, était la forteresse du peuple parisien.




Il y avait fête au versant oriental du mont Cétard, le paradis des joies lutéciennes, du mont Cétard où les nobles chênes portaient la vigne flexible et laissaient pendre le raisin pourpré, — du mont Cétard où les prairies s’enguirlandaient de roses lyonnaises, où la bruyère parfumée voyait croître les buissons de pervenches bleues.

Du haut des grands ormeaux, sur ce mont Cétard enchanté, la clématite odorante s’élançant comme une corde tendue, allait porter les grappes de raisin jusqu’au sommet des charmes séculaires, puis ses tiges interminables, traînant leurs houppes d’étoiles blanches, allaient s’étendre comme un manteau d’hermine sur quelque large buisson de houx.

C’était ainsi, — mais n’y allez pas voir.

Car le gracieux mont Cétard qui est devenu, par corruption, le quartier Mouffetard, a maintenant de tout autres parfums que celui des clématites et des roses.

C’était fête. Six jeunes filles, couronnées d’églantines, six jeunes