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INTRODUCTION.

Il avait un certain coup droit, sans feinte ni appel, que personne n’avait jamais pu parer.

C’était, du reste, un fort galant homme, et il n’y avait point de sa faute si tous les autres maîtres en fait d’armes étaient mortellement jaloux de lui.

Ce Delapalme avait perdu sa femme. Il était en train de faire la cour à une jeune bourgeoise du village du Roule qu’il recherchait en mariage.

Les préliminaires étaient arrangés entre les parents de la jeune fille et Delapalme. Le mariage devait avoir lieu sous peu de jours. Il se rendait, en conséquence, chaque soir au village du Roule, afin d’entretenir sa fiancée.

Comme son académie était située rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, chaque soir aussi, il était forcé de rentrer à Paris par la porte de la Conférence, et de traverser, par suite, tous les terrains où furent plantés depuis les bosquets des Champs-Élysées.

Le 20 janvier de cette année 1645, Delapalme quitta le Roule beaucoup plus tard qu’à l’ordinaire, parce qu’on avait fêté ses accordailles dans la famille de sa promise.

Il était à cheval et revenait au grand trot, vers minuit, lorsque, arrivée devant la Croix-Mansard, sa monture s’abattit sur place en poussant un sourd gémissement.

Elle n’avait ni butté ni bronché. — Un coup de faux lui avait tranché les deux jambes de devant, au jarret.

Delapalme se releva tout étourdi. Il était entouré de six hommes, dont cinq étaient appuyés sur de longues épées nues, tandis que le sixième tenait encore à la main la faux qui avait tranché les jarrets du cheval.

Il ne pouvait les reconnaître, car le lumignon de la madone jetait à peine, dans cette nuit sombre, quelques lueurs incertaines et tremblantes.

Le cheval agonisait dans la boue et perdait tout son sang.