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lxviii
INTRODUCTION.

sans clôture, et Dominé, le bedeau, était chargé de faire le guet de nuit, au-dedans de la nef.

On lui avait confié un mousquet pour la circonstance.

Vers une heure après minuit, l’honnête bedeau sommeillait paisiblement au banc des marguilliers, avec son mousquet entre les jambes, lorsque tout à coup il fut réveillé en sursaut par la voix bien connue de Bastien, qui criait lamentablement au-dehors :

— Maître Dominé ! ô maître Dominé ! à l’aide ! à l’aide !

— Et qu’y a-t-il donc, mon neveu ? fit le bedeau en se frottant les yeux.

C’est à peine si Bastion pouvait parler.

Et se laissant choir sur les pierres détachées de la porte :

— Votre fille !… balbutia-t-il ; — votre pauvre fille…

— Eh bien !… est-elle malade ?

— Plût à Dieu !

— Elle est morte ! dit le bedeau qui chancela.

— Elle est enlevée, maître Dominé.

Le bedeau se redressa et répéta d’une voix terrible :

— Enlevée, ma fille !

Puis il brandit son grand mousquet au-dessus de sa tête.

Puis encore il saisit Bastien, plus mort que vif, et le secoua rudement.

— Et tu l’as laissé enlever ! s’écria-t-il ; — ah ! Bastien ! Bastien ! je comptais te la donner pour femme… mais, jour de Dieu ! elle mourra plutôt nonne !

Bastien pleurait.

— Où est-elle ! reprit Dominé ; — en marche ! conduis-moi !

— Où elle est ?… soupira le pauvre enfant de chœur ; — c’est ce grand pécheur de Bidault qui est monté par la fenêtre et qui l’a emportée dans ses couvertures.

Dominé poussa un rugissement.

Tout son sang de vieux ligueur lui montait à la joue.