Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxvi
INTRODUCTION.

d’architecte s’est diverti à placer là un portail nigaud qui semble fait pour un temple calviniste.

Mais vous n’aurez jamais raison des architectes !

Une nuit de l’année 1614, au commencement du règne de Louis XIII, un drame assez bizarre eut pour héros Pierre Dominé, le bedeau de l’église Saint-Eustache.

Ce Pierre Dominé demeurait avec sa fille et un enfant de chœur au coin de la rue des Deux-Écus. Sa fille était jeune et fort jolie. On l’appelait Minette, de la terminaison du nom paternel.

L’enfant de chœur, qui n’était plus un enfant, avait nom Bastien tout court.

Sa voix n’était pas des plus claires et la barbe lui venait au menton, mais il ne voulait point quitter le bedeau de Saint-Eustache, ce pauvre Bastien, parce que Minette avait seize ans.

Il espérait bien, un jour venant, faire de Minette madame Bastien.

Dans la rue des Prouvelles, comme s’intitulait alors notre rue des Prouvaires, maître Antoine Bidault, procureur au Châtelet tenait sa boutique.

C’était, ce maître Antoine Bidault, un hercule de palais. Il mesurait près de six pieds, portait sa souquenille sur des épaules d’athlète et sa toque sur une grosse tête de coquin à poils frisés comme du crin de matelas.

Il avait une assez mauvaise réputation dans le quartier Saint-Honoré. On disait qu’il avait mené a mal plus d’une jeune fille, et lui-même s’en vantait, le sale robin, aux orgies basochiennes de la rue Saint-Jacques-la-Boucherie.

Personne, cependant, n’osait témoigner trop haut contre lui, à cause de sa robe noire et de ses épaules.

Par malheur, ce grand coquin de procureur avisa un jour la gentille Minette, comme elle allait chercher le déjeuner de son père sous les piliers.