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INTRODUCTION.

— Comment ça ? demanda Lamalgue en levant le nez naïvement.

— Vous ne jouez pas beaucoup mieux que lui.

— À la bonne heure ! s’écria d’Harmont triomphant, pendant que Lamalgue prenait un air profondément piqué.

C’étaient, au demeurant, deux comédiens stylés parfaitement.

— Si vous voulez, reprit Lagaronnays en riant, — je vais vous donner une leçon.

On accepta sans empressement ; pour s’amuser seulement, et sans intéresser la partie.

Quelques flacons furent déposés sur la table.

Voilà le véritable enjeu entre amis !

Lamalgue perdit, comme de raison.

Comme de raison, il se piqua au jeu.

On joua un louis, deux louis, dix louis.

Lamalgue perdit comme si le diable s’en fût mêlé.

— Eh bien ! s’écria-t-il, — que mon portefeuille y passe !

Et il joua cinq cents louis d’un seul coup.

Il perdit encore.

Mais ce fut la dernière fois.

À dater de ce moment, la chance tourna.

Vers trois heures du matin, le chevalier de Saulcy-Lagaronnays n’avait plus un seul Labastide.

Son million s’était envolé comme il était venu.

Il se leva, tout chancelant, les yeux pleins de sang la tête perdue.

Les garçons l’arrêtèrent à la porte et lui demandèrent son souper. Il donna pour payer son souper un des pendants d’oreille de la belle Baradère, — et il s’enfuit.

Moutan et Bandolini poussèrent un hurrah retentissant.

— Maintenant, dit Moutan qui n’avait plus l’air si niais, — jetons nos faux billets au feu et faisons une affaire sérieuse.