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INTRODUCTION.

D’Harmont ne disait pas grand’chose : il remplissait le rôle du niais, dans cette comédie, qui se jouait, en ce temps-là, trente fois par nuit dans la rue Quincampoix.

Lamalgue le gourmait rudement.

— Allons ! criait-il, tiens tes cartes, au moins !… Tu ne sauras jamais distinguer un trèfle d’un carreau.

— Je fais de mon mieux, disait d’Harmont.

Mais il était d’une maladresse !

— Figurez-vous, mon gentilhomme, reprenait Lamalgue en s’adressant de nouveau au cadet du Maine, — que ce pauvre garçon-là ne veut pas se former… Je l’avais associé à mes opérations, ce malin, et, par conséquent, il a cinq cent mille livres de bénéfice comme moi…

— Ah diable ! interrompit Lagaronnays ; — alors, vous avez un million à vous deux ?

— Naturellement, dit Lamalgue : — mais, du diable s’il saura qu’en faire.

— Oh ! s’écria d’Harmont en contrefaisant le provincial à ravir, je m’en retournerai de par chez nous, et j’achèterai des lopins de terre aux uns et aux autres.

Lagaronnays éclata de rire.

D’Harmont baissa les yeux d’un air humble, comme un idiot qui s’aperçoit vaguement qu’il vient de dire une sottise.

— Ça va bien, murmura Lamalgue.

Puis il ajouta tout haut :

— Tenez !… il a brelan, et il ne s’en doute pas !

Lagaronnays avait achevé son souper.

Il se leva et se rapprocha de la table où étaient assis les deux amis.

Il les regarda jouer pendant quelques minutes.

— Pardieu ! mon compagnon, s’écria-t-il enfin, — vous n’avez pas bonne grâce à vous moquer de votre tenant !