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INTRODUCTION.

De fait il avait joué toute la journée sans manger ni boire.

M. le chevalier de Lamalgue et M. le vicomte d’Harmont échangèrent un regard.

Et comme quelques-unes de ces dames firent mine de s’approcher du nouveau venu, Lamalgue planta son feutre de travers et dit :

— Celui-là est retenu.

Ces dames retournèrent à leurs affaires.

Il paraît que M. de Lamalgue faisait là une chose simple et tout à fait dans les habitudes du lieu.

Saulcy-Lagaronnays dévora son souper.

Vous dire ce qu’d ressentait de joie, ce pauvre bon jeune homme, c’est là chose impossible. Le rêve insensé qu’il avait fait se trouvait réalisé comme par enchantement. Un jour avait suffi pour cela. L’énorme distance qui le séparait de sa belle maîtresse était tout à coup comblée.

Il n’avait plus qu’à se présenter chez le traitant ; il n’avait plus qu’à dire : Voici le million, je veux Éléonore.

Tout en mangeant d’un appétit merveilleux, il avait de ces petits tressaillements qui indiquent l’allégresse trop vive. Il se versait à boire avec des gestes d’enthousiasme ; il se souriait à lui-même. À chaque instant, il ouvrait la bouche comme pour crier à pleine voix : Victoire !

Lamalgue et d’Harmont, — Bandolini et Moulan — ne le perdaient pas de vue une seconde.

Ils se disaient :

— En voilà un qui a fait rafle !

Et Lamalgue ajoutait :

— Bonne tête ! Pas de malice ! Il est trop content, aussi, ce garçon !

— Nous allons lui faire passer ça ! répondait le vicomte.

— Des cartes ! cria Lamalgue.