Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
liii
INTRODUCTION.

auprès d’eux de tout gros portefeuilles, bien bourrés ; c’était la mode.

Quand même on n’avait pas le sou, on se procurait un portefeuille gonflé de vieux papiers, — absolument comme on se procure de faux billets en coton quand on n’en a pas de vrais.

Vous eussiez juré que Lamalgue et d’Harmont roulaient sur d’innombrables Labastides.

Et peut-être avaient-ils en effet bon nombre de ces chiffons que la mère du régent appelait d’un nom si malhonnête[1].

Cependant, il y avait en eux quelques petits coins par où perçait le bout de l’oreille.

Et puis, chose plus grave, quand le chevalier de Lamalgue parlait au vicomte d’Harmont, il l’appelait Moutan.

Et quand M. le vicomte d’Harmont répondait à M. le chevalier de Lamalgue, il l’appelait Bandolini.

Des noms italiens ! méfiez-vous.

Mandrini, soyez sûrs, est le superlatif de Mandrin.

— Ah ça ! disait Lamalgue au vicomte, nous ne ferons rien, ce soir ?

— Il n’y a ici que des roués, répondait Lamalgue avec mélancolie.

Et tous deux répétaient :

— Nous ne ferons rien !

En ce moment, la porte s’ouvrit et Saulcy-Lagaronnays entra, le chapeau sur l’oreille, le poing sur la hanche, trois fois plus fier qu’Artaban.

Vous n’avez pas oublié qu’il avait son million.

— À souper ! cria-t-il ; ce qu’il y a de meilleur… je l’ai pardieu, bien gagné.

  1. « Personne en France n’a plus le sou maintenant, écrivait la duchesse douairière d’Orléans ; mais je dirai, sauf respect, en bon allemand palatin, qu’ils ont tous des torche-c… » La princesse écrivait naturellement le mot en toutes lettres.