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INTRODUCTION.

De belles filles, je vous assure, et qui jouaient serré !

De très-granrls seigneurs, — mais leurs laquais aussi.

Enfin tous et toutes : un monde !

Lagaronnays passa là dedans sa journée entière.

À la brune, il était ivre.

Il avait sept cent mille livres dans son portefeuille.

Encore un peu, — la moindre des choses, — cent mille malheureux écus, son mariage avec Éléonore était assuré.

Lagaronnays, disons-nous, était ivre.

Toute cette journée lui apparaissait comme un rêve délirant.

Il touchait sa richesse et n’y croyait pas.

À neuf heures du soir, il sortait de la rue Quincampoix la tête haute, la poitrine élargie, les jambes légèrement chancelantes, comme un homme qui a neuf cent mille livres dans sa poche…

Il avait encore gagné deux cent mille livres.

Il remonta la rue Saint-Denis, regardant les passants avec une souveraine pitié.

Ces gens qui allaient et venaient n’avaient pas seulement mille écus dans leur poche.

Et lui, Lagaronnays… Oh ! lui ! il n’était plus ivre ; il était fou.

Arrivé au coin de la rue des Filles-Dieu, il entra dans un cabaret et écrivit un petit billet à sa belle.

Ce petit billet disait.

« Il neuf heures ; j’ai neuf cent mille francs ; à dix heures, j’aurai le million.

» Et à demain notre fiançaille. »

Il signa son nom et fit, ma foi, le paraphe du sieur de La Bastide, tant les billets de banque remplissaient son cerveau.

La missive cachetée, il tourna le couvent et alla chanter quelque chanson convenue sous les balcons de mademoiselle Baradère.

Elle vint à la fenêtre, toute pâle.

Il lui lança le billet et cria :