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INTRODUCTION.

Le régent avait été assassiné sous la table.

Une mine d’or venait d’être découverte en Louisiane.

Le prince de Galles avait raflé vingt millions sterling d’actions.

Et la roulette fantastique tournait.

Le rouge et le noir imaginaire dictait ses fabuleux arrêts.

L’or ruisselait. Les billets volaient de main en main.

Ce n’étaient pas de ces savants chiffons qui défient le talent du faussaire et présentent, comme nos billets de banque, mille obstacles enchevêtrés à celui qui voudrait les imiter.

C’étaient de simples carrés de papier-écolier où la banque du Mississipi promettait de payer telle somme au porteur, valeur reçue comptant.

Le tout timbré à sec aux armes du roi.

Car ces régents folâtres opèrent toujours sous le couvert du roi.

Lagaronnays joua le collier contre un chiffon ; il gagna le chiffon qui était de mille livres.

— Allons ! allons ! criait-on, deux cents Labastides à cinq et demi de prime.

— À six !

— À quatre !

— La Solange a gagné huit cent mille livres.

— M. le duc vient de perdre son carrosse.

— Eh bien ! la Solange l’achètera !

Un la Bastide, c’était tout bonnement un billet de la banque.

On les appelait ainsi du nom du sieur de la Bastide qui signait pour le sieur Durevest, contrôleur général.

Et des cris de joie !

Et des imprécations !

Des Auvergnats qui se cognaient la tête contre les murailles parce qu’ils avaient perdu quelques livres ; des Gascons qui cherchaient pratique à jouer sur parole ; de pauvres diables qui achetaient, avec leur dernier louis, un pistolet pour se casser la tête.