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INTRODUCTION.

Éléonore profita de ce moment pour glisser les bijoux dans le sein de son amant.

— Mais, dit celui-ci, qui était triste malgré lui : — si je perds ?…

— Tu ne perdras pas ! s’écria la belle Baradère, qui lui ferma la bouche d’un suprême et ardent baiser ; — Et puis, tu ne sais pas… tu viendras… Il y a longtemps que j’ai songé à cela… nous mourrons… si tu veux… nous mourrons ensemble.

Elle s’enfuit derrière les arbres.

Le chevalier de Saulcy-Lagaronnays était seul avec les bijoux sous les revers de son pourpoint.


XXVII.

On jouait de nuit ; on jouait de jour. Il n’y avait point de cesse.

Saulcy-Lagaronnays n’eut que la rue à descendre pour se trouver dans cette étroite et longue rue de Quincampoix, où chaque chambre de chaque maison, — de la cave jusqu’aux combles, — était un tripot.

Il n’eut pas même besoin de vendre les bijoux de la belle Baradère.

Tout se jouait en nature.

On voyait des gens se dépouiller de leur pourpoint en pleine rue, et jouer la veste après le pourpoint.

M. le régent, qui était infiniment gai de son caractère, regrettait fort que la police défendît déjouer aussi les culottes.

Saulcy-Lagaronnais n’avait pas la moindre idée de l’agio.

Il arriva d’un saut tout au fond de ce gouffre où le fiévreux démon du jeu s’agitait dans toute sa frénésie.

Les nouvelles les plus bizarres couraient de bouche en bouche. Les baissiers criaient celle-ci, les haussiers hurlaient celle-là.

M. Law venait d’être emprisonné par ordre du parlement.