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INTRODUCTION.

Le chroniqueur que nous avons sous les yeux, et qui n’a pas mis de nom à son livre, — pour cause, — porte à soixante-huit le nombre des joueurs malheureux qui se suicidèrent dans le seul cabaret de la rue des Cinq-Diamants, à l’enseigne du Grand saint Merry.

Ce chroniqueur n’aimait, il est vrai, ni M. Law, ni son patron, le régent Philippe d’Orléans.

Parmi toutes les infamies qui abondent dans son bouquin, se trouve une histoire assez bizarre et qui pourrait fournir un roman en dix volumes à quelqu’un de nos romanciers.

Nous allons la dire en trois pages.


XXVI.

Il y avait un traitant fort riche, du nom de Baradère, qui demeurait vers le couvent des Filles-Dieu, et qui avait une fille unique de la plus grande beauté.

Ce traitant disait volontiers qu’il donnerait sa fille à celui qui viendrait, apportant un million de livres tournois, étalées sur sa table.

Le jeune chevalier de Saulcy-Lagaronnays, cadet du Maine, beau cavalier qui n’avait guère sou ni maille, était amoureux fou de mademoiselle Baradère, qui le lui rendait bien.

Elle se nommait Éléonore, cette belle fille du traitant. Elle avait dix-huit ans.

Elle sortait du couvent.

Nous ne saurions dire comment Saulcy-Lagaronnays et mademoiselle Baradère faisaient pour se voir à l’insu du financier : le fait est qu’ils se voyaient.

Et dans ces entrevues, ils se lamentaient, les pauvres enfants, car l’avarice trop connue de Baradère leur laissait peu d’espoir.