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INTRODUCTION.

assassiné un traitant, au cabaret de la rue de Venise, il y avait un autre cabaret également sale, également encombré, qui faisait l’angle des rues Aubry-le-Boucher et des Cinq-Diamants, juste en face de l’ouverture de la rue Quincampoix.

Ce cabaret était fréquenté par le chevalier de Grandpré, complice du comte de Horn, par la prétendue marquise de Saint-Phar, cette agioteuse qui gagna sept millions en une nuit aux princes de Soubise et de Guéménée.

Tâchez de vous faire une idée de ces mœurs : sept millions, Soubise et Guéménée, dans un bouge où votre cocher ne voudrait pas prendre la goutte !

Quant à la marquise de Saint-Phar, de nos jours encore, elle y retournerait pour dix louis.

Car elle s’est ruinée dans l’affaire des primes du chemin de fer du Nord. —

Le cabaret dont nous parlons était à renseigne de Saint-Merry.

La fièvre d’agio arrivait à son comble.

Grands et petits jouaient comme des furieux. Les fortunes se faisaient et se défaisaient avec une rapidité qui tenait du miracle.

Les vaincus de la lutte faisaient des chansons sur M. Law, récemment converti à la religion catholique. Ils disaient :

Ce parpaillot, pour attirer
Tout l’argent de la France,
Songea d’abord à s’assurer
De notre confiance.
Il fit son abjuration,
La faridondaine,
La faridondon.
Mais le fourbe s’est converti,
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami !

M. Law laissait chanter et jetait dans la circulation douze cent millions de billets de banque, en plus de la somme portée sur son privilège.