Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxxvi
INTRODUCTION.

terrains cultivés, occupant l’emplacement actuel du canal, de la rue Amelot et du boulevard Beaumarchais. — Au-delà encore, on apercevait sur le ciel bleu la silhouette noire et massive de la Bastille.

M. le cardinal étendit la main de ce côté.

Et pour la troisième fois, il répéta :

— J’ai dit veuve !

Mademoiselle avait pâli, car elle commençait à comprendre.

— Votre Éminence me donne à deviner des énigmes… balbutia-t-elle.

Le cardinal, qui tenait toujours sa main, la serra si fortement que la princesse laissa échapper un petit cri de douleur.

— Vous voyez bien ces murailles, dit-il d’une voix basse et brève ; vous avez fait tirer de là le canon sur mes troupes… Eh bien…

Il s’interrompit pour regarder Mademoiselle d’un air sarcastique et froidement cruel.

— Eh bien !… fit la princesse qui se redressa sous ce coup d’œil.

— Eh bien… acheva M. le cardinal, qui reprit son sourire, le premier de ces coups de canon a tué raide le mari de Votre Altesse !

Il s’inclina et sortit.


XXI.

Cette pauvre Mademoiselle ! cette pauvre grande Mademoiselle ! Le Mazarin avait dit vrai. Son mari était tué. Sur toute la surface du globe, il n’y avait point de mari pour elle.

Il lui fallut attendre la mort du terrible cardinal.

Seize ans après ; — elle avait, ma foi ! quarante-cinq ans, la grande Mademoiselle, — le roi lui permit enfin d’épouser quelqu’un, n’importe qui, le premier venu, Lauzun !