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INTRODUCTION.

Il est superflu de dire que M. le cardinal la reçut avec un très-affectueux respect.

C’était bien le moins.

On causa de choses et d’autres, comme entre personnes qui savent supérieurement leur monde. On causa de la guerre contre les Espagnols, des torts de M. le prince, des dernières tragédies de Corneille, des premières comédies de Molière.

Puis, Mademoiselle, entrant tout à coup en matière, regarda M. le cardinal entre ses deux yeux de chat, et lui dit tout crûment.

— Ah ça, votre Éminence, est-ce que vous croyez qu’il me plaît de mourir fille ?

Le cardinal aurait pu être surpris. Il ne le fut pas, et se mit à sourire bénignement.

— Cela vous tient donc beaucoup au cœur ?… murmura-t-il.

— Mais… commença la princesse déconcertée…

— Bien… bien… je conçois… je conçois… Seulement, Votre Altesse commet une petite erreur…

— Une petite erreur !… répéta Mademoiselle.

— Oui, reprit le cardinal en quittant tout à coup son air mielleux, — Votre Altesse n’est pas fille… elle est veuve.

Mademoiselle le regarda stupéfaite.

Elle eut la pensée, c’est-à-dire l’espoir, que M. le cardinal devenait fou.

— J’ai dit veuve ! répéta celui-ci d’un ton dur et sec que Mademoiselle ne lui connaissait pas.

Pendant qu’elle demeurait interdite, le cardinal de Mazarin se leva et la prit cérémonieusement par la main.

Mademoiselle se laissait faire.

Le cardinal la conduisit à une fenêtre qui donnait sur le Jardin.

Le jardin était vaste et très-beau. Au-delà s’étendaient des