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INTRODUCTION.

C’est la zone guerrière. On dirait que, par une initiation mystérieuse, le pauvre ouvrier de ces faubourgs apprend en naissant l’art funeste des batailles civiles. Des volumes suffiraient à peine pour nombrer les traits de courage épique, de prodigieuse vaillance qui s’accomplirent obscurément dans ces rues sombres.

Que Dieu guide désormais ce magnifique héroïsme du peuple parisien contre les ennemis de la France !…

Ils étaient là, tristes et muets, les restes décimés des ligueurs.

Il y avait quelques armures d’acier parmi beaucoup de haillons.

Et c’étaient toutes figures pâles, amaigries, souffrantes, — mais énergiques.

Quand on vint leur dire que Paris s’était rendu, Cormiaux, le mendiant boiteux qui avait perdu son bras droit à la porte du Temple, leva son bonnet sale et cria :

— Vive la Ligue !

Le peuple répéta :

— Vive la Ligue !

Mais les gens vêtus d’acier songeaient déjà à faire leur soumission.

C’étaient de bons bourgeois pour la plupart.

Il y eut tout à coup un singulier mouvement.

Derrière les maisons, dans les allées, à l’abri des ormes de l’enceinte intérieure, les cuirasses tombèrent et se changèrent en pourpoints. — Les salades firent place aux honnêtes et paisibles chaperons.

Hector était redevenu M. Potard, marchand chaussetier ; Achille avait nom maître Branchu, peaussier ; Ajax, fils de Télamon, était en réalité fils de sage-femme et droguiste de son état.

La porte Saint-Antoine s’ouvrit. Les troupes du Béarnais entrèrent ; Hector, Achille et Ajax levèrent leurs chapeaux en l’air et