Page:Féval - Les Nuits de Paris - 1880, volumes 1 et 2.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xiii
INTRODUCTION.

Les affiches officielles, apposées sur tous les murs de la ville, annonçaient que trois feux d’artifice seraient tirés en même temps, le premier sur la place de la Concorde, le second à l’Observatoire, le troisième à la barrière du Trône.

Trois feux d’artifice ! triple aubaine, triple joie pour tout cœur ami sincère des fusées et des chandelles romaines !

Je suis de ces cœurs naïfs. Tout ce qui brille me plaît et m’attire.

Dès le matin, je me disais :

— Irai-je aux Champs-Élysées, voir les nobles soleils de l’aristocratie ?

— Irai-je à la Bastille, voir les serpenteaux populaires ?

— Irai-je au Luxembourg, voir les étoiles pédantes et les billevesées fumeuses des portiers de l’Université ?

La tristesse me gagnait, tant c’est une chose pénible que l’embarras du choix, lorsqu’il me vint une de ces idées belles et grandes qui sauvent les situations les plus périlleuses.

Une de ces idées que les hommes d’État ont par centaines, mais toujours trop tard !

Je m’écriai, au milieu du boulevard de Gand, où je me livrais à ces méditations fécondes :

— Je verrai les trois feux d’artifice !

Et aussitôt je m’élançai dans un fiacre fondé depuis deux cents ans, et dont les deux coursiers vous avaient un air d’épopée qui datait manifestement de l’Empire.

Le cocher fouetta ces débris d’un autre âge, et nous partîmes pour la barrière Rochechouart.

Les deux quadrupèdes invalides prièrent leur maître de s’arrêter au bas de la montagne. Ils firent cela noblement, en toussant comme un distique impérial.

Le cocher reçut son salaire, et je gravis le petit chemin escarpé qui, laissant le Château-Rouge à droite, conduit au télégraphe de Montmartre.