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LES NUITS DE PARIS.

» J’ai vu tout à coup deux arbres, dont l’un était gigantesque et dressait jusqu’au ciel ses rameaux chargés de feuillages.

» L’autre était petit et paraissait faible.

» Ces deux arbres sortaient d’une souche commune. Tous deux, ils n’avaient qu’une racine.

» Une tempête a obscurci le ciel, le soleil s’est caché sous les nuages sillonnés par la foudre, et j’ai vu l’aquilon furieux frapper la tête du grand arbre qui s’est couché, vaincu, sur la terre.

» Moi, je me disais : Hélas ! que va devenir à présent le petit arbre ?

» Une voix éclatante est sortie de la tempête et m’a répondu :

» — Il n’en grandira que mieux… »

» Cependant, la boule de marbre est tombée dans le bassin et je me suis éveillé. — J’ai dit »[1].

Harminius Nevita leva ses deux mains vers le ciel.

— César, s’écria-t-il, — la science est inutile pour expliquer les songes que Jupiter t’envoie… Un enfant te servirait mieux que moi d’interprète… Le grand arbre, dont les rameaux chargés de feuillages s’élèvent jusqu’au firmament, c’est Constance-Auguste qui descend, comme toi, de Constance-Chlore… Le petit arbre, c’est toi.

Héliodore et Aprunculus applaudirent.

— Que les dieux immortels déracinent le grand arbre, s’écrièrent-ils, — afin que le jeune arbre prospère !

Julien secoua la tête avec tristesse.

— Que les dieux immortels me donnent une chaumière et la tranquillité ! murmura-t-il.

Oh ! l’honnête petit César !

— Et les choses d’ici-bas, reprit Héliodore, concordent avec les

  1. Songe de Julien raconté par lui-même à son médecin Oribase. {Julian, epist. 17.)