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LES NUTIS DE PARIS.

en secret au solitaire Anubis. Oribase, son médecin, lui avait composé un traité sur les dangers que présente le culte de ce dieu maussade. Mais quand on est philosophe, il faut bien faire quelque chose en faveur de la vertu !

— Le sommeil de César, demanda Névita, le Germain, a-t-il été tranquille ?

— Des rêves… toujours des rêves, répliqua Julien.

— Des rêves fortunés, je suppose ?

— Les dieux, dirent Aprunculus et Héliodore, peuvent-ils en envoyer d’autres à César !

— Des rêves laborieux et pleins de fièvre, répondit Julien en passant sa main dans ses cheveux humides encore ; — des rêves qui effraient cruellement ma tranquille modestie… car les dieux me sont témoins, ô mes amis ! ajouta-t-il en prenant tout à coup une pose d’orateur, — que la médiocrité dorée est mon vœu le plus cher… Que d’autres désirent avec passion la puissance souveraine… moi, je la redoute à l’égal du plus grand malheur… Une cabane, ô mes chers maîtres, sur les bord bien-aimés de l’Illysus ou de l’Eurotas… un jardin riant… les livres de nos philosophes… voilà mon vrai, mon seul rêve…

— Mais celui de cette nuit ? interrompit Névita.

Julien poussa un énorme soupir.

— Veux-tu renouveler ma tristesse, ô Névita ? dit-il.

— Je veux expliquer ton rêve.

Les deux autres charlatans devinrent attentifs, car chacun d’eux passait la rhubarbe à son compagnon en échange du séné.

Julien poussa un second et plus énorme soupir.

« — J’étais dans une belle campagne, commença-t-il, et je voyais les rayons du soleil jouer dans la moisson jaunie. Un grand fleuve, aux ondes pures et limpides, coulait devant moi. L’air était doux comme si j’eusse été dans un jardin d’Athènes.