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LES NUITS DE PARIS.

Julien était comédien jusqu’au bout des ongles.

Voltaire, qui partageait l’avis du bon M. Dulaure, dit, quelque part, que Julien l’Apostat était le second des hommes. Vertudieu ! ceci est bien trouvé. Les efforts que fit Julien l’Apostat pour écraser l’infâme devaient lui être comptés par Voltaire.

Et vraiment, si Voltaire eût vécu au Ve siècle et qu’il n’eût point été poltron jusqu’à faire honte aux poules mouillées, il aurait joué le rôle de Julien en perfection.

Quant à Julien, il faut lui rendre justice ; il avait les mains trop propres pour écrire la Pucelle.

Regrettons, regrettons amèrement que ce vilain petit bonhomme n’ait pas pu rédiger son petit bout d’Encyclopédie, pleurer sur le malheureux Calas et danser enfin une diatribe ou une tragédie sur la corde philosophique du XVIIIe siècle}.

Le grand siècle, comme l’appelle M. Michelet dans l’orgie de son enseignement.

Les yeux humides et les regards au ciel, Julien et ses trois sages poursuivaient leur entretien attendrissant.

— Quelles sont douces et belles, disait Julien, les affections que fait naître l’amour de la vertu !… Névita ! combien j’admire ta force stoïque et tes veilles solitaires… Moi, je suis obligé de sacrifier au sommeil jusqu’à minuit, et j’en ai honte… Ta sobriété, savant Héliodore, égale la continence de notre Névita, et ton désintéressement, ô mon cher Aprunculus, n’a rien qui lui soit comparable en ce monde !

Les trois sages se regardèrent en dessous.

Ils répondirent à l’unisson :

— Les vertus de César sont autant au-dessus des vertus des mortels que Mithra, le premier et le dernier, est au-dessus des dieux vulgaires !

Par le fait, Julien ne buvait que de l’eau et sa continence était telle qu’il fut accusé comme le tendre Jean-Jacques, de sacrifier