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LES NUTIS DE PARIS.

— César, dit le Gaulois Aprunculus, j’ai veillé pour toi et je m’en applaudis… le sang des victimes parle d’or, les entrailles chantent victoire… Heureux César ! je te salue.

— Merci, mes pères, répliqua Julien qui leur tendit la main à tous les trois.

— Alors, ajouta-t-il en s’adressant à Aprunculus, les auspices du jour ont dit : Bonheur ?

— Bonheur ! répéta l’augure.

— Et les aruspices ?

— Bonheur !

— Et le ciel, savant Héliodore ?

— Bonheur !

— Et la voix des songes, Harminius Névita ?

— Bonheur !

Et les trois graves marauds de répéter d’une seule voix :

— Bonheur ! bonheur ! bonheur !

La figure de Julien s’éclaira. Il courba le front devant la statue barbue de Jupiter, père des dieux et roi des hommes. Il était très-dévot à sa manière, et quelque chose en lui rappelle la nature superstitieuse et à la fois hardie de notre roi Louis XI.

— Ô mes maîtres bien-aimés ! reprit Julien quand il eut achevé sa prière, — vous me rendez le souvenir de tous ceux que j’ai chéris… Héliodore, tu as fouillé tous les mystères comme Maximus le trois fois sage, mon initiateur, comme Iamolique le très-haut, qui conversait avec le ciel… Névita, tu es naïf et bon dans la science sublime comme mon cher Sallustius qu’Auguste a éloigné de moi… Et toi, Aprunculus, malgré l’immense profondeur de ton génie, tu me rappelles les simples et douces tendresses de mon second père, l’eunuque Mardonius.

Les trois philosophes versèrent des larmes d’attendrissement.

Mais ils avaient affaire à un homme qui pleurait encore mieux qu’eux.