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LES NUITS DE PARIS.

repousse. Est-ce parce que la dent venimeuse du reptile est toujours tout près de terre ? J’aimerais mieux me battre à mort contre un géant que de jouer seulement avec un nain.

En somme, il était laid, ce jeune homme, mais d’une laideur qu’il fallait remarquer et qu’il n’eût pas donnée, je vous assure, pour la beauté du premier venu.

Quand il parla, sa voix de tête, qu’il enflait jusqu’à la rendre grave, éclata et vibra sous la voûte.

Ce devait être un terrible orateur !

Et il nous souvient d’avoir entendu comme cela un petit homme au regard diamanté, qui enflait grotesquement sa voix de tête et vomissait des mois quinze fois plus grands que lui. Eh bien ! ce petit homme remuait les pavés de nos rues et faisait trembler les murs de nos palais.


Les trois nouveaux venus saluèrent respectueusement le petit homme qui leur répondit par un simple signe de tête.

C’était un petit homme d’importance.

Il se nommait Julius Claudius Julianus, et il était fils de Julius Constantin, deuxième frère de l’empereur Constantin le Grand.

L’histoire populaire ne lui connaît pas cette kyrielle de noms et l’appelle tout uniment Julien l’Apostat.

— Que Mithra, père du soleil-roi, protège mon fils César ! dit Héliodore, l’Égyptien ; j’ai passé les heures de la nuit à tirer ton horoscope… Il me plaît de veiller ainsi pour toi !

Il sentait pourtant beaucoup le vin, cet Héliodore ; il avait dû arroser fièrement son horoscope !

— César ! dit Harminius Névita, le Germain, j’ai dressé mes tables théurgiques, résolvant la loi des mages dans la loi des génies… Quand je veille pour toi, je suis heureux.

Ses paupières étaient encore chargées de sommeil.