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LES NUITS DE PARIS.

Pourtant il y avait dans le lit un homme qui dormait. Cet homme habillé légèrement, à la grecque, n’avait pour couverture qu’un voile de laine, dérangé par les mouvements de son sommeil.

Et Dieu sait qu’il s’agitait assez pour déranger la couverture la mieux drapée.

Il gémissait à ses rêves, il soubresautait ; ses mains étendues convulsivement semblaient vouloir saisir une vision qui fuyait. De grosses gouttes de sueur tombaient de son front le long de ses tempes.

Par fois, des mots sans suite s’échappaient de ses lèvres. On en pouvait distinguer un surtout qui revenait bien souvent :

— Empereur !… empereur !…

La salle était carrée sur trois de ses faces. Sa paroi orientale se recourbait en rotonde.

Sur cette espèce de grande niche s’ouvraient trois portes également espacées et qui rappelaient assez bien les vomitoires par où les bêtes étaient introduites dans l’arène circulaire, quand il s’agissait de manger un chrétien.


La clepsydre marqua la douzième heure de la nuit.

Aussitôt une boule d’ivoire se détacha de la voûte et vint tomber au milieu du bassin d’airain qui rendit un son vibrant et prolongé.

Le dormeur s’éveilla en sursaut.

Les trois portes de la rotonde s’ouvrirent en même temps et trois hommes parurent à la fois.

L’un de ces hommes, vêtu à l’égyptienne, avait un cercle d’or pour retenir en arrière les flots de sa chevelure grisonnante ; vous eussiez dit une tête de sphynx sur un corps d’athlète. Il portait à la main un rouleau de papyrus, un compas et deux pinnules, montées sur leur alidade.