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ix
INTRODUCTION.

chand de sardines à l’huile, peut arrêter Marie sur la pente de sa perdition.

On a vu des bonnetiers de Rouen et des marchands nantais épouser Marie.

Mais c’est rare.

Et si Marie n’a pas cette chance-là, elle devient à coup sûr amoureuse d’un élève de l’école polytechnique.

Vous pensez bien que c’est le coup de grâce.

Après l’élève, abruti par l’étude acharnée des mathématiques, Marie ne peut plus appartenir qu’à un tambour de la garde nationale.

Elle est déjà bien près de son ancien domicile.

Un étudiant en médecine l’y ramène ; — mais comme elle est changée, la pauvre Marie ! C’est tout au plus si elle brille encore parmi les douteuses constellations du quartier latin.

Un pas encore et la voilà au niveau du sol, honorée de l’amour d’un agent de police.

On peut descendre plus bas.

Voici venir Polyte, l’homme à la blouse débraillée, qui vit de coups de poing sur l’œil et de pain dur arrosé d’eau-de-vie.

Polyte, l’orgueil et la terreur des hôtels où on loge à la nuit !

Polyte qui a vu Brest, Rochefort et Toulon, — Polyte, le Rob-Roy parisien.

Le coquin ignoble jusqu’à la poésie, laid jusqu’à la terreur.

Marie est la maîtresse de Polyte, qui se charge de la faire respecter.

Écoutez ! on peut descendre plus bas encore. Oui ! plus bas que Polyte ! Croyez-le, je vous le dis.

Il est à Paris de mystérieux cloaques où la même boue fermente depuis des siècles, — des sentines noires, infectes, profondes, qui délient l’impudeur du pinceau et l’effronterie de la plume.

Des enfers où la fange desséchée ne se délaie qu’avec du sang !