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LES NUITS DE PARIS.

en quel lieu, dans quelle circonstance les philosophes en haillons ou les philosophes bien couverts ont fait quelque chose gratis.

Nous promettons avec une grande solennité un lingot d’or de quatre cent mille francs, un service en vermeil de cinq cents louis, trois billets de concert et trente sous en argent monnayé à quiconque nous apportera un philosophe capable de ne pas vendre son âme au rabais.

Cependant les légionnaires s’agitaient confusément. Les Celtes aux longs cheveux, les Pétulants, dont le casque se terminait en fer de pique, se montraient les plus disposés à brusquer l’aventure.

Et vraiment ce n’était pas chose difficile que de porter les soldats de ce temps à improviser un Auguste.

Pour le prix d’une cinquantaine de nos charges de notaires, on se faisait maître du monde.

Tel de nos banquiers israélites aurait pu acheter quinze ou seize fois l’empire et garder encore de quoi soumissionner quelque bon petit aqueduc.

Une émotion sourde gagnait de proche en proche dans le camp. Les femmes entourant l’enceinte criaient, et excitaient leurs maris.

Mille bras s’élevaient déjà et montraient les hautes et sombres murailles du palais des Thermes, derrière lesquelles était le César.

Un son de clairon retentit tout à coup devant le tabernacle de Libanius, maître de l’infanterie. — Du côté de la tente de Decentius, général de la cavalerie, une fanfare répondit.

C’était le signal de la retraite.

Hérules et Bataves, Celtes et Pétulants hésitèrent.

— Jusques à quand enfin, disait déjà quelque coquin à besace, nourri de réminiscences cicéroniennes, — jusques à quand enfin, vous laisserez-vous conduire comme un troupeau d’esclaves !…