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LES NUTIS DE PARIS.

garder par des eunuques, je m’en prends à Constance Auguste, et je vais brûler ses thermes de Milan !

— Bien parlé ! s’écrièrent vingt voix.

Car le vin de César a cette qualité reconnue, d’exciter les soudards contre Auguste.

— L’empereur d’Italie, reprit Léon le scutaire, — n’est pas l’empereur des Gaules… Et comment diable voulez-vous que j’emmène ma femme au bout du monde, moi ?

— Ajoutez, dit un mendiant à besace et à barbe pointue, à qui le césar Julien serrait volontiers la main devant tout le monde (car ce gueux parlait grec et citait Zenon) ; — ajoutez que Constance Auguste a fait trancher la tête de Gallus, le frère de notre bien-aimé César !

Cela fit peu d’effet. Trancher la tête d’un homme, c’était la moindre des choses.

— Et ajoutez, reprit un décurion du nom de Turnion, — que ce Constance Auguste appelle notre général le petit vainqueur (Victorinus), sans doute pour rabaisser nos exploits, à nous autres, Romains de la Celtique.

Pour le coup, un grand murmure s’éleva.

Le décurion avait touché juste. Les légionnaires se sentaient attaqués dans la personne de leur chef. Tous les visages s’empourprèrent.

— Par Minerve ! s’écria Léon, — car je suis chrétien, c’est vrai, mais Minerve n’est pas une déesse comme une autre, puisqu’elle a inventé la friture à l’huile… Par Minerve ! ce Constance Auguste n’est qu’un méchant diacre arien !… Le petit vainqueur, comme il l’appelle, ne ferait de lui qu’une bouchée.

D’autres philosophes et d’autres soldats s’étaient rapprochés de cette table véritablement importante par la lucidité de ses discussions politiques.