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LES NUTIS DE PARIS.

Mais, s’ils sont si grands, n’est-ce point parce qu’ils furent inventeurs ?

Parce qu’ils marchèrent ?

Et si nous sommes petits, n’est-ce point parce que notre force s’est follement dépensée à les imiter, c’est-à-dire à reculer ?

Ce qui est grand chez nous, c’est l’art intermédiaire, parce qu’il fut inventé par nous.

Ce qui est grand chez nous, c’est la philosophie chrétienne, parce que c’est la philosophie vivante.

Et n’est-ce point extravagance, que de perdre les jours précieux d’un peuple à cette œuvre folle : galvaniser des cadavres ?

Telle est pourtant, dans l’art et ailleurs, l’unique occupation du matérialisme bourgeois.

Quand le bon M. Dulaure dit : « César fut un fléau, » cela signifie que César s’écarta des idées adorées par M. Dulaure, qu’il fit un pas énorme en avant.

Cela signifie que César, dégageant de l’anarchie aristocratique le principe d’autorité, fit Rome tout à coup grande comme le monde, et mit dans cette grandeur tant de bonheur, que la courte domination de ce fléau suffit à préparer le règne d’Auguste.

Lorsqu’Auguste vint, la place était faite, les obstacles immenses étaient aplanis. Auguste, esprit médiocre et raisonneur, n’eut qu’à s’asseoir sur le trône établi solidement ; car le triumvirat et les guerres contre Antoine ivre étaient des exploits à sa taille.

Et ce qui restait de l’élan imprimé par César éleva ce règne d’un esprit secondaire et rusé à la hauteur d’une merveille historique.

Quand M. Dulaure dit, au contraire, que Julien l’Apostat fut un sage cela signifie que Julien, ramant contre le cours des siècles et soufflant de tous ses poumons sur les flambeaux allumés du christianisme, revenait aux puériles croyances des païens.