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LES NUITS DE PARIS.

Julien l’Apostat, le faire naître de nos jours. Il serait académicien ; il serait représentant du peuple et membre du conseil de l’Université. La studieuse jeunesse des écoles le porterait de temps en temps en triomphe, concurremment avec le chef d’orchestre de la Grande-Chaumière. Les libres penseurs prendraient de ses almanachs, et tout ce qui porte une âme capable de vendre des sardines à l’huile, en gros ou en détail, s’abonnerait à son journal.


Non, Jules César, le radieux génie, n’était pas un fléau ; non, Julien l’Apostat n’était pas un sage.

Non ! il ne faut point jeter bas le noir miracle de Notre-Dame, pour ériger à sa place une copie du Parthénon en tuf blafard.

Le temple de Minerve vierge est une ruine splendide ; la copie qu’on en ferait serait un jouet de maçon pédant.

Le monde marche. Jules César était un grand homme, précisément parce qu’il marchait en avant de son siècle.

Julien l’Apostat était un simple bavard, précisément parce qu’il marchait en arrière et en sens contraire du sien.

Qu’il devait être beau, ce portique de Pallas, quand il surgit, tout blanc et tout fier, du génie de l’art antique ! Qu’il dut être grand et glorieux, l’inventeur du chef-d’œuvre ! Oh ! certes, ces âges reculés sont nos maîtres, et quiconque a en soi la religion du beau s’incline avec respect devant ces legs prodigieux que nous laissa l’antiquité grecque.

Et combien aussi furent audacieux et magnifiques les efforts de cette philosophie primitive qui s’éleva, sans autre secours que la raison humaine, aux notions du juste et du vrai !

Nos temps nouveaux n’ont rien produit peut-être qui puisse égaler nés intelligences colossales : Platon, Phidias, Homère.